La leçon des « prémunis » du paludisme

En observant des personnes présentant une protection naturelle contre le paludisme, une équipe française développe un vaccin contre cette maladie.

Le parasite responsable du paludisme ne tue pas toujours. Il peut établir avec son hôte des compromis. Ainsi, après quinze à vingt ans d’exposition, certaines personnes présentent une infection chronique, presque dépourvue de symptômes. Ce sont les prémunis. Cette immunité s’entretient : un an sans piqûre infectieuse et elle disparaît !

Mais elle confère une protection contre toutes les souches du parasite, le plasmodium. De là à imaginer qu’elle pourrait fournir une clé à la fabrication d’un vaccin, il n’y a qu’un pas, que Pierre Druilhe et ses collaborateurs de l’Institut Pasteur ont franchi avec succès : ils publient les résultats d’un vaccin obtenu à partir de leurs observations des prémunis.

L’équipe a testé l’efficacité du sérum de ces derniers (où se trouvent les anticorps) contre le parasite, afin d’identifier la meilleure cible d’attaque sur l’ agent infectieux. Deux arguments penchent en faveur de MSP3, une des protéines de surface du plasmodium : elle ne varie pas d’un parasite à l’autre, et la présence d’anticorps anti-MSP3 est très liée à la protection contre les poussées cliniques du paludisme. « Cette démarche est tout à fait originale », commente Dominique Mazier, spécialiste des vaccins antipaludisme à l’Inserm. De fait, tous les candidats vaccins testés actuellement ont été sélectionnés à partir des réponses immunitaires observées chez des animaux et non chez l’homme. L’équipe vient de tester un premier vaccin basé sur MSP3. Résultat : 60 % des 30 volontaires vaccinés ont développé une réponse immunitaire forte, spécifique et dans certains cas de longue durée contre MSP3 [1]. « En général, on se contente de regarder si les anticorps produits permettent de bloquer le développement du parasite chez son hôte », explique D. Mazier. Mais l’équipe est allée plus loin. Et a découvert lors de tests in vitro ou chez des souris humanisées, que les anticorps anti-MSP3 produits par les vaccinés sont plus efficaces pour enrayer le développement du parasite que les anticorps des prémunis. « Ils agissent un peu à la manière d’une hormone, explique P. Druilhe. Bien que produits en faible quantité, ces anticorps peuvent recruter des cellules immunitaires, les monocytes, qui vont permettre de détruire le parasite. Les sujets de zone d’endémie ne développent des réponses similaires qu’après vingt ans d’exposition. »

C’est la première fois qu’un tel phénomène est décrit contre ce parasite : il ne s’agit donc plus de surveiller la quantité d’anticorps produits mais plutôt la qualité de ceux-ci. Prochaine étape, l’essai de phase II, qui consiste à tester ce vaccin chez des individus sains, vivant en zone endémique. « Certainement en Afrique, sur des enfants », précise P. Druilhe. Un enjeu de taille donc, puisque selon l’OMS, 75 % des un à deux millions de victimes annuelles du paludisme sont des enfants africains.

Actualité de la recherche