Nouvel essai en Chine : un petit pas en avant

Un vaccin contraceptif masculin réversible a fait l’objet d’un vaste essai de phase III (plus de 1 000 participants) en Chine, avec un suivi de 2,5 ans. Les résultats sont très prometteurs pour ce qui est de l’efficacité contraceptive (environ 1 % d’échec en données cumulées), mais la tolérance doit être précisée par des études encore plus longues. Il n’en reste pas moins que ce nouveau schéma de contraception, « allégé » avec une injection mensuelle (et non hebdomadaire, comme dans les essais précédents) d’undécanoate de testostérone (en huile de graines de thé), apparaît très performant, avec une efficacité comparable à la contraception orale féminine.

Les différents essais

La mise au point d’une contraception masculine a fait l’objet de nombreux essais depuis la fin des années 1970. Récemment deux évaluations de l’OMS ayant testé, sur une période de 12 mois, l’injection intramusculaire hebdomadaire de 200 mg d’ énanthate de testostérone ont obtenu de bons résultats (efficacité de 98 %). Le nouvel essai multicentrique (10 centres de planning familial) conduit en Chine chez 1 045 hommes (20 - 45 ans), subventionné par un programme de recherche spécial Banque Mondiale / OMS / Nations-Unies, se distingue par 2 nouveautés importantes : l’utilisation d’une préparation retard permettant de réduire la fréquence d’administration (une injection de 500 mg d’undécanoate de testostérone par mois), et l’efficacité et la tolérance évaluées sur une plus longue période (30 mois).

Recrutement de la cohorte

Pour être inclus, les participants devaient être en bonne santé et avoir eu deux spermogrammes normaux avant l’entrée dans l’ étude. Celle-ci comportait deux phases : une phase dite d’inhibition, de 6 mois, temps nécessaire à l’obtention certaine d’une azoospermie (absence de spermatozoïdes dans le sperme éjaculé) ou d’une oligospermie (faible quantité de spermatozoïdes dans le sperme - définie en générale comme inférieure à 20 millions de spermatozoïdes par ml) et pendant laquelle les couples utilisaient une méthode de contraception mécanique ; puis une phase d’efficacité de 24 mois, sans autre contraception que les injections de testostérone. Enfin, les participants étaient suivis pendant 12 mois supplémentaires (phase de récupération), afin de s’assurer du retour à la normale de la spermatogenèse (soit un compte de spermatozoïdes (spz) > 20 x 106 / ml).

Phase d’inhibition

Au terme de la phase d’inhibition, il y a eu 190 abandons d’étude, dont 43 (4,8 %) pour échec de l’inhibition de la spermatogenèse. Parmi les hommes entrés dans la phase d’efficacité (n = 855), 733 (plus de 85 %) ont été suivis jusqu’au terme de l’étude. Un rebond de la spermatogenèse (défini par un spermogramme > 1 x 106 / ml à deux reprises) a été observé chez 10 sujets (1,3 %). Le taux d’échecs de la méthode était donc, à ce stade, de 6,1 % (4,8 % + 1,3 %). Il est donc plus important que lors de l’essai de phase II qui a précédé l’étude actuelle. Les auteurs attribuent cette différence aux critères de définition de l’azoospermie (spz ≤ 1 x 16 / ml) plus stricts que dans les essais précédents.

Phase d’activité

Durant la phase d’efficacité de 24 mois, 9 grossesses ont été observées, mais 6 d’entre elles étaient attribuées au rebond de la spermatogenèse (nombre de spz : 2 à 8 x 106 / ml). Les 3 autres ont été le fait d’hommes qui avaient un compte de spz ≤ 1 x 106 / ml. Au total, le taux cumulé d’échecs de la contraception s’élevait à 1,1 (IC 95 % : 0,4 - 1,8) pour 100 hommes à la fin des 24 mois de la période d’efficacité, sur la base de 1 554 personnes / années exposées. La contraception a été interrompue par 18 hommes en raison d’effets secondaires au début de l’étude (le plus souvent des douleurs au point d’injection). Les autres effets indésirables signalés (mais ne conduisant pas nécessairement à l’arrêt du traitement) étaient : de l’acné (n = 77), une toux sévère (ce symptôme a été attribué à des micro-embolies pulmonaires de l’huile de préparation du produit) après l’injection (n = 22), des modifications de l’humeur (n = 8), un rash cutané (n = 8). Enfin la libido, si elle était affectée, l’était plutôt dans le sens d’un accroissement...

D’autres modifications, objectives, ont été notées : une augmentation de poids (0,4 - 1,6 kg), une réduction du volume testiculaire (4 - 16 % du volume). A l’inverse du poids, qui est dans tous les cas revenu à la normale à l’issue de l’étude, la récupération de la taille originelle des testicules était incomplète chez certains sujets. Le spermogramme s’est complètement normalisé (> 20 x 106 / ml), 196 jours en moyenne, après la fin de l’étude, sauf chez 17 individus (0 à 19 x 106 / ml), soit 2,3 % (17 / 733) de la population suivie jusqu’au bout de l’étude. 15 d’entre eux, selon les chercheurs, sont revenus à des chiffres normaux 3 mois après la fin de la période de récupération de 12 mois. Un des deux hommes chez qui la réversibilité de la contraception a échoué avait une épididymite (enflure ou infection de l’épididyme qui peut induire une obstruction tubulaire). Les dosages sanguins effectués durant l’étude ont mis en évidence une élévation moyenne de l’hémoglobine de 7 % et une diminution moyenne du cholestérol total de 21 %. Les valeurs du PSA (antigène prostatique spécifique) et les tests hépatiques et rénaux fonctionnels sont restés dans les limites de la normale durant toute l’étude, indiquent par ailleurs les chercheurs Chinois.

Conclusion

Les résultats de ce long essai multicentrique en termes d’efficacité contraceptive sont donc satisfaisants. L’utilisation d’une solution retard de testostérone permettant de réduire la fréquence des injections intramusculaires de l’androgène est un autre avantage de la méthode employée dans l’essai chinois. La tolérance à court terme sur le plan hématologique (risque de polycythémie), lipidique et prostatique (on sait que les androgènes peuvent accélérer l’évolution d’un cancer prostatique infra-clinique) était relativement satisfaisante, mais elle doit être clarifiée à plus long terme.

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