Polyphénols

Les polyphénols bénéficient d’ une notoriété croissante. Ainsi, le dernier lancement de CocaCola, Coca-Cola light Plus, fait référence à la présence d’antioxydants (extraits de thé vert).

Utilisés traditionnellement comme colorant ou conservateur, leur intérêt actuel réside dans leurs propriétés antioxydantes. « Les produits laitiers et les boissons comme les jus de fruits semblent les plus appropriés pour la transmission d’un message santé ou beauté. Les allégations santé sont pour l’instant très limitées. L’activité antioxydante peut être relayée par une valeur ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity) indicative », analyse Sabrina Nicolle, chef de projet chez Val de Vire. Mais comment s’y repérer et les intégrer dans les formulations ?

Contraintes d’usage

Les polyphénols contribuent à la qualité organoleptique (couleur, arôme, amertume, astringence) des végétaux, d’où l’apparition possible de contraintes d’incorporation. Les procédés peuvent aussi modifier les teneurs initiales. « Les traitements thermiques ont généralement peu d’impacts. Par contre, les étapes mécaniques de parage, épluchage et raffinage entraînent une perte importante, les polyphénols se trouvant majoritairement dans les parois externes des végétaux. Ils sont aussi très sensibles à l’oxydation, mécanisme qui les dégrade. Un travail important dans l’ avenir sera de déterminer si les formes dégradées présentent ou non encore un intérêt, ce qui serait variable en fonction des polyphénols », commente Stéphane Georgé, chef d’unité micronutriments du CTCPA. « Les flavanols de cacao, comme les autres polyphénols, sont sensibles à l’air et à la lumière. Dans le chocolat et la poudre de cacao, il n’y a pas de souci. Par contre, dans les boissons, il est crucial d’avoir des emballages opaques. Travailler en milieu alcalin n’est pas non plus favorable, les polyphénols ayant tendance à se complexer, ce qui diminue leur biodisponibilité. Les flavanols de cacao peuvent s’utiliser dans un milieu laitier sans influence sur leur disponibilité, leur complexation avec les protéines laitières étant brisée dans l’intestin. De plus, les arômes forts du cacao masquent leur amertume », explique Herwig Bemaert responsable innovation de Barry Callebaut.

« Ceux de pomme apportent une légère coloration similaire à celle d’un jus de pomme dans les boissons. En application laitière, nous les combinons avec un jus de pomme concentré ou avec des fibres solubles de pomme, ce qui facilite le contrôle de l’amertume », explique Sabrina Nicolle. « Les polyphénols de myrtille donnent une coloration rouge violette au produit fini. En termes de stabilité, dans une boisson avec une phase de pasteurisation standard, moins de 5 % des polyphénols totaux sont perdus », rapporte Matthieu Besnard, directeur de projet santé & cosmétique de Diana Naturals.

« Nos extraits de café, mélisse et raisin ont déjà été incorporés dans des yaourts liquides, des préparations de type café instantané, des chewing-gums, des céréales pour petit-déjeuner ou encore des boissons », poursuit Benoît Lemaire, Business Director de la division Actifs innovants de Naturex.

Origines diverses

Les polyphénols en fonction des sources et même des variétés, n’auront pas le même intérêt nutraceutique, ni la même abondance. « Le café vert représente l’une des principales sources d’ acides chlorogéniques ; le raisin et le cacao apportent des flavanols de qualité et en quantité intéressante ; le thé vert est réputé pour sa richesse en catéchine », observe Benoît Lemaire. « Les extraits de choux et baies rouges, carottes pourpres, vins rouges sont riches en flavonoïdes (anthocyanes, proanthocyanidines), tandis que les artichauts sont riches en acides phénoliques (cynarine) », poursuit Matthieu Besnard. « Sans oublier la méthode d’extraction qui doit être adaptée à la plante, et aux types de polyphénols recherchés. Dans le raisin, par exemple : la peau contient des anthocyanidines et la pellicule du pépin des tanins et notamment des procyanidines oligomériques (OPC) », rajoute Gontran Gaillot, directeur commercial de Burgundy.

Mais pour aller plus loin, il est possible de décliner une ou plusieurs fonctionnalités biologiques pour chaque polyphénol, qui diffèrent selon leur structure chimique. « Les formes glycosylées sont à privilégier car plus facilement absorbées, elles seront plus biodisponibles », précise Sabrina Nicolle.

Pas tous équivalents

« Les polyphénols sont plus ou moins fragiles, colorants, antioxydants et se complexent plus ou moins. Les OPC (Oligomerics ProCyanidines) ou le resvératrol par exemple présentent de très hautes valeurs ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity). Les anthocyanes (peau de raisin, myrtille, cassis) présentent en général des propriétés intéressantes pour la circulation capillaire, les OPC (Oligomerics ProCyanidines)pour la circulation veineuse, les isoflavones contre les bouffées de chaleur », énumère Gontran Gaillot. « Les proanthocyanidines de canneberge sont recherchées pour leur action préventive sur les infections urinaires, les polyphénols de pomme (particulièrement la phloridzine) pour leur action sur le métabolisme du glucose. Des travaux ont mis en évidence l’action de polyphénols d’algues de notre extrait HealSea sur la prévention de l’athérosclérose », poursuit Matthieu Besnard. On attribue au resvératrol des effets bénéfiques, tels qu’une action antiâge et préventive des maladies cardiovasculaires. « Notre nouvel extrait de frêne, FraxiPure, contient des principes actifs de la famille des coumarines, sécoiridoïdes et phényléthanoïdes et bénéficie déjà de données scientifiques témoignant de son potentiel pour le marché des ingrédients minceur », déclare Antoine Dauby, responsable marketing de Naturex.

Mélanges synergiques

Certains fournisseurs mettent en avant les extraits non sélectifs préservant ainsi l’intégralité des plantes extraites. « Il a été démontré qu’un actif polyphénolique isolé et hautement concentré était moins efficace qu’un extrait regroupant l’ensemble des composés phénoliques de la source. » Le procédé Acticoa, de Barry Callebaut, permet de mieux préserver l’ensemble des flavanols de cacao dans leur matrice originelle. « Nous cherchons à avoir la plus haute teneur en flavanols sans favoriser spécifiquement un groupe, pour un effet de synergie entre eux. Notre but premier est d’augmenter la teneur en épicatéchine. En même temps, nous essayons d’augmenter celle des procyanidines. Plusieurs études ont montré la bonne biodisponibilité des flavanols de cacao, spécialement pour l’épicatéchine et la bonne synergie entre les monomères (épicatéchine) et les oligomères (procyanidines) pour plusieurs effets santé bénéfiques. Cependant, la biodisponibilité des procyanidines n’est pas encore démontré clairement », analyse Herwig Bernaert. « On peut aussi envisager des synergies pour un effet santé donné en combinant des polyphénols ou familles de polyphénols ayant des mécanismes d’ action différents. Nous le faisons au cas par cas », explique Benoît Lemaire. Naturex propose ainsi des mélanges d’extraits de raisin et de thé vert, avec une forte valeur ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity), qui résultent de synergies entre les différents extraits.

« De nombreuses questions restent encore en suspens, sur la stabilité des polyphénols, leur biodisponibilité, la nature de leurs dérivés après oxydation, l’impact des procédés et les conséquences d’une surconsommation », conclut Stéphane Georgé. Autant de questions auxquelles il sera impératif de répondre pour garantir une bonne utilisation des polyphénols.

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